Le patrimoine religieux

Le sarcophage de la Tourette

Résumé

    Le sarcophage arlésien de La Tourette   Il s’agit très probablement d’un des monuments parmi les plus anciens que possède notre région. Restauré, remis en valeur, il sert désormais d’autel dans la chapelle de la ferme de la […]

 

 

Le sarcophage arlésien de La Tourette

 

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Il s’agit très probablement d’un des monuments parmi les plus anciens que possède notre région. Restauré, remis en valeur, il sert désormais d’autel dans la chapelle de la ferme de la Tourette. Présenté au public, grâce  à « Eveux et son patrimoine » en juin 2007 par le frère Marc Chauveau, historien de l’art, voici l’histoire de ce sarcophage.

 

Présentation

 

Sarcophage arlésien du 4ème siècle en marbre blanc orné sur la face avant d’un couple dans un médaillon encadré par des strigiles campés aux angles avant de deux saints (sans doute Pierre et Paul), et de vases de vie sur les côtés latéraux. Sous le médaillon deux cerfs s’abreuvent (symbolique du fleuve de vie).

Dimensions : longueur 213 cm ; hauteur 75 cm ; profondeur 105 cm.

 

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Médaillon représentant les époux inhumés ensemble

 

Historique

 

La ville d’Arles fit don de ce sarcophage en 1640 à l’archevêque de Lyon, Alphonse du Plessis de Richelieu, frère du Cardinal de Richelieu, pour orner sa propriété de Roy à Fontaines-sur-Saône. Alphonse de Richelieu, du temps où il était archevêque d’Aix, avait été initié à l’art antique par l’érudit et collectionneur Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, avec lequel il s’était rendu à Arles pour admirer les célèbres sarcophages des Alyscamps[1]. Quelques années plus tard les Arlésiens voulurent l’honorer en lui faisant parvenir à Lyon trois sarcophages remarquables. En 1648 un neveu de Peiresc lui en offrit un quatrième découvert près de Hyères.

Après la mort de l’archevêque de Lyon en 1653, les sarcophages du domaine de Roy ont connu des sorts divers. L’un, orné d’une figure de Christ entouré de ses apôtres, qui avait été transporté dans l’Ain, à Rignieux-le-Franc, a été acquis en 1864 par le musée du Louvre ; un autre, sépulture également d’un couple gallo-romain, avait été donné au couvent de la Visitation de Sainte Marie aux Chaînes (à l’emplacement des Subsistances, en bordure de Saône), où il servait de réservoir.

Récupéré par Monsieur d’Herbouville, préfet, il a été placé au début du 19eme siècle dans le nouveau musée de Lyon, (Palais Saint-Pierre ou des Beaux-Arts) et se trouve depuis 1976 dans le musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon (à Fourvière). Le sarcophage découvert à Hyères et offert en 1648, qui est orné d’une scène de chasse et d’origine païenne, a été acquis par le musée Rolin. d’Autun. Quant au quatrième sarcophage, celui de La Tourette, il serait resté longtemps à Roy, à quelques kilomètres au nord de Lyon, dans une propriété qui dépendait peut-être du domaine que les archevêques de Lyon possédaient dans la région de Neuville-sur-Saône. C’est dans une cour de ferme, à Roy, à côté d’un puits, que le dessinateur Clément Jayet trouva, en 1786, ce sarcophage  et en exécuta un croquis pour l’ouvrage que le Père Dumont préparait sur  « les anciens monuments d’Arles »

Dans la Notice des antiquités et tableaux du Musée de Lyon publiée en 1808, un des quatre sarcophages donnés à l’archevêque de Lyon est signalé comme étant au château de La Tourette près de L’Arbresle. Depuis, il n’a pas quitté ce lieu. Une carte postale du début du siècle montre qu’il était utilisé comme bac à fleurs (fig.2). Quand les Dominicains devinrent propriétaires en 1945 de La Tourette, ils mirent le sarcophage à l’abri et s’en servirent comme table d’autel.

 

Description du sarcophage :

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Le devant du sarcophage est divisé en cinq compartiments :

 

 

 

Façade avant du sarcophage

 

– Au centre, porté de chaque côté par un putto (angelot), un médaillon enferme les bustes de deux époux. L’homme en toge serre un rouleau entre ses mains. Il a le visage ovale, le front haut, le nez allongé des bustes d’empereurs de la fin du 4ème siècle. Chez la femme son visage est plus rond avec ses cheveux en forme de chignon et une tresse qui fait le tour de la tête et un collier à triple rang. Elle pose la main droite sur bras droit de son époux. Sous le médaillon deux cerfs s’abreuvent à un fleuve.

–  De chaque côté du médaillon des époux se développe un panneau rectangulaire à strigiles[2]

cannelés encadré de moulures, tandis que, dans deux niches aux extrémités sont sculptés en pied deux apôtres tournés de trois quarts vers l’image des époux, où nous verrions volontiers saint Pierre et saint Paul.

L’apôtre de gauche (Pierre) conserve des traits encore assez nets : figure ovale, collier de barbe, il porte un pallium dont un pan tombe de l’avant-bras ; il tient dans sa main droite un objet qui pourrait être une clé ; à ses pieds chaussés de sandales, des rouleaux liés en faisceaux. L’apôtre de droite, qui tient dans sa main droite un rouleau, est encadré de deux plantes, tandis qu’à ses pieds est posé un scrinium (tabouret creux dans lequel on place des rouleaux de parchemin). Cet apôtre pourrait être saint Paul.

Niche droite

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En effet il est encadré de deux tiges d’où partent des rameaux qui ressemblent aux roseaux figurés sur les représentations de la décollation de saint Paul, en particulier sur le tombeau de Janius Bassus à Rome et sur un sarcophage de Saint-Victor à Marseille. Les roseaux symbolisent le rivage du Tibre où Saint Paul fut décapité.

Saint Pierre et saint Paul jouissaient à Arles d’une vénération particulière : une basilique leur était dédiée aux Alyscamps dans le premier quart du 6ème siècle. D’autre part, sur plusieurs sarcophages d’Arles, saint Pierre et saint Paul acclament aux angles le Christ du panneau central tenant la Croix de sa Résurrection. Sur le sarcophage de La Tourette, le Christ victorieux est absent, mais non l’idée de la Résurrection : les époux sont en quelque sorte portés en triomphe par des putti ailés. Aux extrémités de la cuve, Pierre, tendant la main, et Paul accueillent le couple vainqueur de la mort.

Cette éternisation des défunts est soulignée par la scène allégorique sur laquelle s’appuie le médaillon central. Deux cerfs dont les cornes sont à moitié brisées boivent à deux filets d’eau qui semblent descendre d’un monticule et qui sont l’image des quatre fleuves du Paradis. Cette représentation dans ce contexte est assez rare. Généralement d’un sommet de la montagne d’où coulent les fleuves, où s’abreuvent des cerfs, se dresse le Christ, l’Agneau ou la Croix (cf. la célèbre mosaïque de l’abside de Saint-Clément de Rome). Ici c’est le couple des défunts qui surplombe la scène des cerfs buvant aux eaux du Paradis.

Le sarcophage ayant servi d’abreuvoir à la fin du 18ème  siècle, deux trous ont été percés pour l’évacuation de l’eau.

 

Niche gauche >

 

– Pour bien souligner cette idée d’eschatologie les faces latérales du sarcophage de La Tourette sont ornées de canthares (ou cratères) à deux anses en spirale double, d’où sort une gerbe d’eau. Ce motif aquatique, souligné par les spirales des anses, est en rapport étroit avec celui des cerfs se désaltérant.

 

D’après Marc Chauveau o.p.



[1] Le mot provençal " Alyscamps" signifie : Champs Elysées (séjour des âmes des morts qui furent vertueux).. Il fait référence au passé antique de ce lieu. En effet, dans tout l’angle sud-est de la ville romaine d’Arles s’étendait, à l’extérieur des remparts une vaste nécropole, qui, au Moyen Âge, eu un très grand rayonnement dans l’Occident chrétien.

[2] Littéralement , les strigiles sont des espèces de grattoirs d’airain , ou de fer, longs de neuf à quinze onces, les uns courbés comme une petite faux ; les autres droits, et tous creusés en cuiller dans la partie opposée à la poignée,